Roxane est une îlienne… sa terre natale est, sans appel, La Réunion ; son terrain de jeu a été, un temps, l’Australie et, sa terre d’exploration l’amène plus tard en île de France. Son Paname, là où elle s’installe pour travailler. On comprend vite que les sens et les émotions de la jeune Réunionnaise s’éveillent et s’épanouissent dans la création et particulièrement la photographie. Son « Manifeste des femmes libres » relayé dans le Vogue et son nouveau projet autour du métissage réunionnais braque le projecteur sur des sujets qui la touchent …et nous aussi ! Rencontre avec Roxane Moreau.
1) Entre la naissance de ta passion de la photographie à la réalisation d’un Manifeste sur les femmes, quel est le chemin ? Celui de la recherche du sens ? De l’esthétisme ?
Il y a eu un (très) long chemin entre les deux, puisque j’ai eu mon premier appareil photo à l’âge de huit ans et qu’aujourd’hui j’en ai bientôt vingt-huit.
Mon chemin, pour faire court, est celui d’une autodidacte de la photographie, car j’ai préféré apprendre directement auprès de professionnels plutôt que de faire une école. J’ai donc roulé ma bosse pendant sept ans en assistant des photographes de mode et de portrait à Paris (leurs clients allaient de Céline, YSL, Dior à Paris Match…).
Parallèlement à mon apprentissage en tant qu’assistante lumière, j’ai toujours tenu à travailler sur mes projets personnels, tout simplement parce que travailler pour moi est ce qui me permet de donner un sens à ma vie et si je ne développais pas ma créativité constamment je crois que je mourais !
Au moment du premier confinement j’ai beaucoup remis en question ma manière de faire de la photographie, j’ai passé des semaines à essayer de comprendre “Pourquoi ?” je faisais ce métier et pas un autre. Et en cherchant, je me suis rendue compte que j’avais envie de travailler sur un projet qui fasse sens pour moi et qui puisse apporter quelque chose aux autres.
Partir à la rencontre de femmes inspirantes n’était pas un acte anodin, puisque j’ai toujours été moi-même à la recherche de “role models”, estimant ne pas en avoir eu assez en grandissant.
Ce qui a fait office d’élément déclencheur pour ce projet, a été de me dire que j’aurais voulu avoir la chance, adolescente, d’avoir accès à un livre qui regrouperait tout plein de femmes aux parcours inspirants et qui auraient réussi à faire le métier qu’elles rêvaient de faire.
Quand j’ai envoyé une maquette du projet à un premier éditeur à qui j’avais demandé conseils et qu’il m’a dit “quand ma fille sera plus grande, je lui montrerai ton livre pour qu’elle s’inspire” alors ça n’a fait que conforter mon envie d’aller plus loin avec cette idée.
Et puis, ça a fini sur Vogue ! C’était tellement merveilleux de voir que le projet ne faisait pas sens que pour ma personne mais qu’il le faisait aussi pour d’autres femmes.
Cependant, je ne compte pas m’arrêter là, j’espère pouvoir continuer ce projet plusieurs années, partir à la rencontre de plein d’autres femmes et quand ce sera le bon moment, alors je publierai un vrai livre sur elles.
2) Le Manifeste sur les femmes met en lumière des femmes qui s’affirment professionnellement … Quelles sont tes ambitions ?
Faire ce projet était une manière pour moi de lutter avec toutes ces femmes qui sont mises en avant sur les réseaux sociaux et qui, selon moi, ne contribuent pas à mettre en avant toutes les capacités que nous avons nous les femmes. À l’heure actuelle, je crains que les jeunes filles rêvent davantage de devenir influenceuses que pilotes de ligne…
J’avais envie de montrer que tout est possible quand on s’en donne les moyens et que personne ne peut nous empêcher de faire un métier “d’homme” si on en a envie. Et plus simplement, je voulais insuffler de l’inspiration pour des femmes qui douteraient d’elles.
3) La Réunion t’inspire un nouveau projet autour du métissage ? Un retour aux sources ?
Cela faisait un moment que j’avais envie de travailler sur un projet sur la Réunion.
Pendant des années, j’ai eu un rapport assez étrange avec mon île, car je ne savais pas bien où me situer en tant que réunionnaise. En métropole, les gens me riaient presque au nez quand j’annonçais mes origines. J’étais trop typée méditerranéenne en France, pour être considérée comme réunionnaise et trop blanche pour être considérée comme réunionnaise à la Réunion donc pendant toutes ces années je n’ai pas su où me situer.
Un peu comme un marseillais qui gommerait son accent pour passer inaperçu, j’ai occulté les questionnements identitaires pendant mes dix ans à Paris.
Et puis, bien évidemment, en grandissant (bon ok, en vieillissant…), j’ai ressentie que c’était une nécessité pour moi que d’aller trouver des réponses concernant la “créolité”. C’est un mot qu’on a plutôt malmené ces derniers temps, mais être créole, après tout ça veut dire quoi exactement ?
C’est l’amour qu’on a pour son île ? C’est simplement être né sur une île ? C’est parler créole ?
En bref, cette série qui s’appelle pour le moment l’Alchimie Réunionnaise, c’est avant tout un hommage aux personnes qui contribuent à enrichir notre île et qui symbolisent pour moi la créolité.